Les calculs sur laquelle s’est basée l’IFSN pour affirmer que le risque lié à une défaillance pouvant se passer tous les 10 000 est surestimé ont fait l’objet d’une question dans le cadre du Forum technique sur les centrales nucléaires et d’une demande en application de la loi sur la transparence dans l’administration (LTrans). Ces développements ont motivé l’IFSN à rendre ses calculs publics.
En utilisant un scénario météorologique dans des conditions réelles, il a été démontré de façon illustrative que la méthodologie de calcul de la directive IFSN-G14 consiste en une approche très conservatrice pour vérifier la conception d’une installation nucléaire. Conservateur signifie procéder systématiquement à des hypothèses défavorable pour appliquer le principe de prudence suivi par l’IFSN. Il ne faut pas mettre en équivalence les doses calculées selon la directive IFSN-G14 et les doses réelles pour les personnes dans les alentours d’une centrale nucléaire. Ces premières ne servent qu’à démontrer de manière compréhensible et prudente le respect des critères de dose de l’ordonnance sur la radioprotection. Le calcul réalisé par l’IFSN se déroule en quatre étapes.
1er étape : définition du terme source
La première étape consiste à déterminer la quantité de matières radioactives rejetées par une centrale nucléaire. C’est ce qu’on appelle le terme source. L’IFSN s’est basé ici sur le scénario A1. Ce scénario comprend des défaillances de dimensionnement sans dommage au cœur, classés au niveau 2 ou à un niveau supérieur sur l’Échelle internationale des événements nucléaires et radiologiques INES.
La quantité libérée est augmentée de telle sorte qu’une personne fictive reçoit une dose maximum de 100 millisieverts (mSv) en application de la directive IFSN-G14.
2e étape : calculs de dispersion dans un scénario de conditions météorologiques réelles
L’IFSN a ensuite utilisé le système JRODOS (Java-based Realtime Online Decision Support) pour calculer la dispersion des substances radioactives. Les données météorologiques réelles du 11 juin 2018 de MétéoSuisse ont été utilisées à cette fin.
On obtient ainsi la distribution de la dose potentielle telle qu’elle a été publiée dans l’article mentionné pour le 11 juin 2018, selon les conditions de vent et de pluie spécifiques à cette journée. Les conditions météorologiques étaient défavorables ce jour-là, du point de vue des conséquences radiologiques pour l’environnement. Il y avait en effet de la pluie et un vent faible, ce qui a entraîné des valeurs de dose plus élevées.

En partant de là, il faut remarquer que des conditions météorologiques encore plus défavorables ne conduiraient pas à une forte augmentation de la dose moyenne potentielle pour la population touchée et donc non plus à des conséquences négatives potentielles plus importantes sur la santé.
3e étape : détermination de la dose moyenne
L’établissement de la distribution des substances dans l’environnement permet de déterminer ensuite la dose moyenne. Pour ce faire, toutes les communes totalement ou partiellement touchées sont prises en compte. Selon l’Office fédéral de la statistique, 95 000 personnes au total habitent dans ces communes (en 2017).
Les communes touchées et leurs doses
Commune | Habitants | Dose moyenne [mSv] | Dose cumulée [Pers-mSv] |
Aarau | 21036 | 0.25 | 5259 |
Biberstein | 1545 | 0.11 | 170 |
Buchs (AG) | 7911 | 0.19 | 1503 |
Däniken | 2776 | 0.58 | 1610 |
Eppenberg-Wöschnau | 325 | 0.22 | 72 |
Erlinsbach (AG) | 4091 | 0.11 | 450 |
Erlinsbach (SO) | 2574 | 0.46 | 1184 |
Gretzenbach | 2703 | 0.81 | 2189 |
Kölliken | 4336 | 0.15 | 650 |
Küttigen | 6081 | 0.13 | 791 |
Lostorf | 3942 | 0.15 | 591 |
Niedergösgen | 3831 | 1.80 | 6896 |
Oberentfelden | 7743 | 0.13 | 1007 |
Obergösgen | 2199 | 0.77 | 1693 |
Safenwil | 3740 | 0.10 | 374 |
Schönenwerd | 4948 | 0.37 | 1831 |
Stüsslingen | 1062 | 0.22 | 234 |
Suhr | 9990 | 0.12 | 1199 |
Unterentfelden | 4102 | 0.11 | 451 |
Somme | 94935 | 28153 | |
Dose moyenne | 0.30 |
Le tableau énumère les communes potentiellement touchées ainsi que le nombre d’habitants et la dose moyenne qui leur sont associés. La multiplication de ces deux données fournit une dose cumulée pour chaque commune. On obtient une dose moyenne potentielle pour la population touchée pour l’exemple du 11 juin 2018 en divisant la somme de ces doses commulées par communes par la somme de tous les habitants.
A l’aide de JRODOS, l’IFSN a déterminé une dose moyenne conservative pour chacune de ces communes touchées entièrement ou seulement en partie. Il a été admis dans le calcul que l’ensemble des personnes habitants ces communes reçoivent la dose correspondante, indépendamment du fait qu’ils soient véritablement ou non touchés par la dispersion des substances radioactives.

4e étape : estimation des conséquences potentielles pour la santé
L’IFSN a de nouveau adopté une approche conservative pour évaluer l’impact potentiel sur la santé des habitants concernés. Conformément à la pratique internationale, telle qu’elle est recommandée par exemple par la Commission internationale de protection radiologique CIPR dans sa directive 103, le calcul de la dose de défaillance considère par mesure de précaution que les personnes touchées sont exposées aux substances radioactives sur une durée d’un an. L’IFSN a multiplié les valeurs de dose calculées par un facteur 2 pour s’assurer que les conséquences pour la santé de l’exposition aux rayonnements soient également prises en compte l’année suivante.
Bien qu’il n’ait pas été prévu à cette fin (voir ci-dessous), le coefficient de risque corrigé du détriments rapporté par la CIPR pour d’autres cancers et effets héréditaires a été utilisé pour estimer les effets potentiels sur la santé. Les chiffres sur les conséquences présumées pour la santé publiés dans l’article mentionnés servent uniquement à classer les énoncés et les valeurs numériques par rapport aux conséquences pour la santé à prévoir en cas de défaillance de dimensionnement. Celles-ci ont été rendues publiques lors des discussions sur la révision de l’ordonnance sur l’énergie nucléaire.
La dose accumulée pendant le reste de la vie dans l’exemple de Gösgen en utilisant le coefficient de risque corrigé du détriment pour le cancer selon la CIPR de 5,5 % par sievert donne environ 3 cas supplémentaires de cancer corrigés du détriment (soit environ 4 cas non corrigés) dans la population affectée de 95 000 personnes.
Les quelques 3 cas de cancer supplémentaires, qui sont présumés se produire purement mathématiquement sur la base de l’exposition moyenne au rayonnement telle qu’elle a été déterminée dans cette illustration, sont à comparer aux quelques 26 000 cas de cancer corrigés du détriment (correspondant à environ 40 000 cas non corrigés), dont il faut s’attendre empiriquement dans la population considérée. Ces cas supplémentaires correspondraient à une augmentation des cas de cancers d’environ 0,01 % sur 50 ans. Une telle augmentation n’est statistiquement pas identifiable.