Surestimation du danger en cas de défaillance survenant tous les 10’000 ans dans une centrale nucléaire suisse
La valeur limite pour une défaillance survenant dans une centrale nucléaire suisse à la suite d’un événement statistiquement attendu tous les 10 000 ans est de 100 millisieverts. En fait, la dose de rayonnement à laquelle la population touchée serait exposée suite à cette défaillance est de très loin bien plus faible : en moyenne 0,3 millisievert. Aucun blessé ni mort ne serait à déplorer. Aucune évacuation ne serait nécessaire.
Le critère de dose de 100 millisieverts (mSv) qui se trouve dans l’ordonnance sur la radioprotection est une valeur purement arithmétique. Celle-ci sert de justificatif pour les exploitants de centrales que leur centrale nucléaire est capable de maîtriser une défaillance (« une défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement ») due à un événement dont la fréquence est statistiquement attendue tous les 10 000 ans. Le critère de dose fixe les exigences minimales pour le dimensionnement d’une centrale nucléaire et garantit qu’une telle défaillance n’a que des effets radiologiques mineurs.
Une défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement consiste en une succession de défaillances ou de dommages sur des composants de l’installation (par exemple des pompes hors fonction, des conduites qui cassent, ou la survenue d’événements naturels accompagnés d’autres défaillances) se produisant dans une centrale, et que celle-ci doit être capable de maîtriser avec ses propres moyens. Cela ne doit pas entraîner l’endommagement du cœur du réacteur.
Pour ce faire, la centrale nucléaire dispose de systèmes de sécurité automatisés et spécialement protégés et de procédures de défaillance. Si une défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement devait survenir, il serait ainsi assuré que cet incident serait maîtrisé, et qu’une fusion du cœur du réacteur serait empêchée. La preuve doit en être faite.
Une défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement n’est pas un accident grave comme celui qui s’est produit à Tchernobyl ou à Fukushima.
Des prescriptions strictes pour la maîtrise de la défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement
Les exploitants sont tenus de prouver régulièrement – tous les 10 ans au plus tard – que les valeurs limites admissibles sont respectées même dans des cas extrêmement défavorables, afin de démontrer que la population se trouvant à proximité des centrales nucléaires est bien protégée.
Pour la soumission de ce justificatif, des prescriptions très strictes s’appliquent : la directive IFSN-G14 exige que les exploitants, pour le calcul de dose potentielle, se basent sur une personne particulièrement sensible aux rayonnements (généralement un jeune enfant) qui, dans des conditions météorologiques très défavorables, se trouve à proximité directe de la centrale nucléaire (distance de 200 mètres) lors de l’incident et y reste pendant une année entière après celui-ci.
La dose de 100 mSv pour la personne particulièrement sensible aux rayonnements qui reste à proximité directe de la centrale nucléaire pendant une année entière après un incident résulte des contributions suivantes :
rayonnement lié au nuage radioactif (« immersion »)
rayonnement lié à la radioactivité respirée (« inhalation »)
rayonnement lié à la radioactivité déposée sur le sol (« rayonnement du sol »)
rayonnement lié à l’activité absorbée par la nourriture (« ingestion »).
On suppose alors qu’au cours des deux premiers jours suivant le rejet de radioactivité, la personne se tient entièrement à l’extérieur et couvre tous ses besoins en fruits, en légumes, en lait et en viande avec des aliments de ce même endroit le plus défavorable. La personne boit également l’eau d’une rivière se trouvant sous l’installation et mange le poisson provenant de cette partie du cours d’eau.
La personne la plus touchée est un scénario catastrophe fictif
La personne la plus touchée dont il est question (« le jeune enfant à la clôture ») est une construction fictive et théorique permettant de s’assurer que les critères de dose sont respectés dans tous les cas imaginables. En réalité, une telle personne n’existe pas. Personne se trouvant par hasard directement à la clôture de la centrale nucléaire au moment de la défaillance n’y reste pour une période prolongée. De plus, comme en Suisse, personne n’habite si près d’une centrale nucléaire. Et comme le rayonnement diminue considérablement à mesure que la distance augmente, les riverains même les plus proches d’une centrale nucléaire ne seront jamais exposés effectivement à un rayonnement de 100 mSv.
La défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement à Gösgen calculée à titre d’exemple
Sur la base de données météorologiques réelles en juin 2018, l’IFSN a calculé, pour la centrale nucléaire de Gösgen, l’impact potentiel d’une défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement conduisant à exactement 100 mSv après calcul selon la directive IFSN-G14. Gösgen a été choisie parce que le voisinage immédiat de la centrale nucléaire est le plus densément peuplé de toutes les centrales nucléaires suisses. Étant donné que la Commission internationale de protection radiologique (CIPR) ne fait aucune recommandation pour le calcul du nombre potentiel de victimes dû à une exposition aux rayonnements à la suite d’une défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement, celui-ci est effectué selon la méthode décrite ici.
La situation météorologique la plus défavorable pour une défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement avec de la pluie et du vent était le 11 juin 2018 à Gösgen. Pour la dose maximale dans le voisinage, ce calcul a fait apparaître une valeur de 13 mSv; dans les zones des riverains les plus proches, on obtenait des valeurs de dose de moins de 10 mSv.
Une défaillance à Gösgen aurait conduit à une valeur de 0,3 mSv
Au total, environ 95 000 personnes auraient été touchées potentiellement par l’augmentation des doses de rayonnement le 11 juin 2018. Elles auraient reçu en moyenne une dose de 0,3 mSv.
Cette dose moyenne de 0,3 mSv à laquelle auraient été exposés les riverains de la centrale nucléaire de Gösgen dans le cas susmentionné correspond seulement à un vingtième du rayonnement (5,8 mSv) auquel ces riverains sont exposés chaque année en moyenne en Suisse par des sources naturelles, médicales et liées à notre développement technologique.
En Suisse, la population est sans arrêt exposée à une certaine quantité de rayonnement. La plus importante part de l’exposition aux radiations subie par la population provient du radon qui se trouve dans les bâtiments d’habitation et de travail, ainsi que des examens médicaux. La population est affectée à des degrés divers par ces sources de rayonnement.
En moyenne, la population de la Suisse est exposée de la manière suivante aux rayonnements :
3,2 mSv proviennent du radon : le radon-222 et ses dérivés se trouvant dans les bâtiments d’habitation et de travail pénètrent dans le corps par l’air respiré. L’exposition au radon n’est pas uniforme parmi la population. La valeur moyenne prise en compte est dérivée de la concentration moyenne de radon de 75 Bq/m3.
1,4 mSv provient du diagnostic médical: plus des deux tiers de la dose collective annuelle de rayonnement dans le domaine du diagnostic radiologique sont dus aux examens tomographiques informatisés. Comme pour le radon, l’exposition aux diagnostics médicaux est inégalement répartie. Environ les deux tiers de la population ne reçoivent pratiquement aucune dose suite à un diagnostic médical, et quelques pour cent de la population reçoivent plus de 10 mSv.
0,35 mSv provient du rayonnement terrestre: la dose due au rayonnement terrestre – c’est-à-dire le rayonnement venant du sol et de la roche – dépend de la composition du sous-sol.
0,4 mSv provient du rayonnement cosmique: le rayonnement cosmique augmente avec l’altitude, car plus on se trouve à une altitude élevée, plus s’amincit l’enveloppe protectrice de l’air se trouvant autour de la Terre. A une altitude de 10 kilomètres au-dessus du niveau de la mer, le rayonnement cosmique est environ 100 fois plus fort qu’à 500 mètres. Pour cette raison, un vol outre-mer (aller-retour) entraîne une exposition d’environ 0,06 mSv. Une personne faisant partie de l’équipage d’un avion peut recevoir une dose allant jusqu’à plusieurs mSv par an.
0,35 mSv vient des aliments: le potassium-40 se trouvant dans les tissus musculaires y contribue le plus avec un apport d’environ 0,2 mSv. D’autres radionucléides dans les aliments proviennent de la série de désintégration naturelle de l’uranium et du thorium. Des radionucléides artificiels sont également présents dans les aliments : principalement les nucléides césium-137 et strontium-90 issus des expériences nucléaires des années 1960 et de l’accident nucléaire de Tchernobyl en avril 1986.
Moins de 0,1 mSv sont dus à l’exposition aux rayonnements des centrales nucléaires, de l’industrie, de la recherche, de la médecine, des biens de consommation et des objets de la vie courante ainsi qu’aux radio-isotopes artificiels dans l’environnement : les rejets de substances radioactives par les effluents gazeux et les eaux usées des centrales nucléaires suisses, le PSI et le CERN entraînent des doses ne dépassant pas 0,01 mSv par an chez les personnes vivant à proximité immédiate
Le chiffre supplémentaire de 0,3 mSv auxquels seraient exposées les personnes touchées par la défaillance dans la zone de Gösgen ne peut en revanche être attendu qu’une fois en 10 000 ans.
Le risque supplémentaire pour les 95 000 personnes concernées de contracter un cancer dans les 50 prochaines années serait minime : d’un point de vue purement arithmétique, il faudrait s’attendre de un à trois cas de cancers supplémentaires. Selon la publication « Le cancer en Suisse, rapport 2015 », il faudrait tabler pour la même période, sans incident nucléaire dans la même population, sur quelque 40 000 cancers.
Le nombre de cas de cancers supplémentaires potentiels dus à une telle défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement est donc extrêmement faible par rapport aux cancers attendus sans défaillance.
Selon la publication « Le cancer en Suisse, rapport 2015 », le risque de développer un cancer au cours de sa vie en Suisse (hors incident) est de 47,2 % pour les hommes et de 37,6 % pour les femmes. Une défaillance dans le cadre des règles de dimensionnement augmente ce risque de 0,003 % pour les 95 000 personnes potentiellement touchées se trouvant à proximité de la centrale nucléaire de Gösgen.
Statistiquement, 40 000 des 95 000 personnes de cet exemple tombent dans les 50 années suivant malades d’un cancer, c’est-à-dire sans aucun incident. Dans le cas d’une défaillance due à un événement se produisant tous les 10 000 ans, il faut s’attendre mathématiquement à trois cancers supplémentaires dans les 50 années suivant l’événement.
« Nos calculs montrent que le danger provenant d’une défaillance dans le cadre de règles de dimensionnement est très faible », résume Hans Wanner. « En prenant en compte des conditions réalistes, aucune personne ne serait exposée à une dose de rayonnement de 100 mSv. Il n’y aurait ni morts ni blessés. Aucune évacuation ne serait nécessaire. »
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