Depuis 2013, l’IFSN collabore avec les Offices fédéraux de l’environnement OFEV, de l’énergie OFEN, de la protection de la population OFPP et de la météorologie et de la climatologie MétéoSuisse dans le cadre du projet Bases pour l’évaluation de crues extrêmes de l’Aar et du Rhin (EXAR). Afin de mieux évaluer le risque des crues extrêmes de l’Aar, l’étude principale a été lancée en 2016 sous la direction de l’OFEV à la suite de l’accident de réacteur de Fukushima.
Les nouvelles analyses de risques basées sur l’état actuel de la science et de la technique ont maintenant été publiées. Une première évaluation par l’IFSN montre que les hauteurs d’inondation indiquées dans l’étude pour un événement se produisant une fois tous les 10’000 ans sont maîtrisées grâces aux marges de sécurité existantes des installations nucléaires sur l’Aar. Des éclaircissements détaillés sont pourtant nécessaires, notamment en ce qui concerne l’érosion des berges.
Sur la base de l’étude sur les crues extrêmes de l’Aar, l’IFSN demandera aux installations nucléaires de l’Aar (centrales nucléaires de Beznau, Gösgen et Mühleberg ainsi que PSI et ZWILAG) d’actualiser leurs démonstrations de sécurité en ce qui concerne les crues.
Le communiqué de presse de l’OFEV dans son libellé :
Berne, 22.02.2021 – L’étude « Crues extrêmes de l’Aar » fournit la base pour évaluer le danger en cas de crues, même lors d’événements très rares. Des analyses de danger détaillées ont été menées pour cinq sites, dont ceux des centrales nucléaires de Mühleberg, de Gösgen et de Beznau. Les autorités et les exploitants d’installations disposent ainsi d’une base fondée pour mieux protéger les infrastructures critiques contre les crues extrêmes.
En mars 2011, un tsunami provoquait la catastrophe nucléaire de Fukushima. Suite à cet événement, plusieurs services fédéraux ont décidé d’établir une base uniforme pour l’évaluation du danger en cas de crues extrêmes dans le bassin versant de l’Aar. Le projet a été initié par les offices fédéraux de l’environnement (OFEV), de l’énergie (OFEN), de météorologie et de climatologie (MétéoSuisse) et de la protection de la population (OFPP) de même que l’Inspection fédérale de la sécurité nucléaire (IFSN). Le 22 février 2021, les résultats de cet effort conjoint ont été présentés aux médias dans le cadre d’une séance d’information. Avec l’étude « Crues extrêmes de l’Aar », coordonnée par l’Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage (WSL), des données sur le danger potentiel pour des crues jusqu’à une période de retour de 100 000 ans sont disponibles pour le bassin versant.
Courbes de précipitations et de débits sur presque 300 000 ans
À 50 emplacements, les courbes de précipitations et de débits sont disponibles, heure par heure, sur une période de presque 300 000 ans. Il en ressort qu’un épisode de précipitations extrêmement rare (d’une période de retour de 100 000 ans) pourrait gonfler les débits à plus de 7000 m3/s avant la confluence de l’Aar et du Rhin, soit 12 fois le débit moyen.
L’étude a pris en compte divers facteurs susceptibles d’influencer le débit de l’Aar, notamment les glissements de terrain, les embâcles au niveau de ponts provoqués par du bois flottant, l’érosion des berges, la défaillance de digues ou encore une erreur humaine dans la régulation des ouvrages d’accumulation. Pour ce faire, on a recouru à des évaluations, des calculs et des simulations des processus naturels et des défaillances techniques des ouvrages, en chiffrant les incertitudes dans la mesure du possible.
Des analyses locales de danger potentiel ont été établies pour les centrales nucléaires de Mühleberg, de Gösgen et de Beznau, le site de l’Institut Paul Scherrer (PSI) à Villigen et le centre de stockage intermédiaire pour déchets radioactifs, ainsi que la ville d’Olten, carrefour d’importantes infrastructures de transports (cf. encadré).
Intégrer les nouvelles connaissances dans l’évaluation des risques pour les installations et les infrastructures
Le bassin versant de l’Aar représente 43 % du territoire suisse et comprend certaines des régions urbaines les plus densément peuplées du pays. Outre les cinq sites étudiés, il compte 19 barrages ainsi que des infrastructures de transport nationales. Les nouvelles connaissances acquises sur le danger potentiel de crues extrêmes fournissent une base importante pour l’analyse des risques de ces installations.
L’OFEV a présenté les résultats de l’étude aux cantons et aux exploitants des infrastructures nationales. Les autorités compétentes intégreront ces connaissances dans les évaluations des risques et en tiendront compte lors de la mise en oeuvre des mesures de protection contre les crues. Les niveaux d’eau pertinents pour les analyses de sécurité des centrales nucléaires sont, selon l’IFSN, comparables à ceux des analyses existantes. L’IFSN demandera cependant aux exploitants des centrales nucléaires de revoir leurs analyses de sécurité sur la base de la présente étude, comme le prévoient les dispositions réglementaires. L’OFEN, pour sa part, exigera des exploitants d’ouvrages d’accumulation placés sous surveillance fédérale de contrôler, à la lumière des nouvelles connaissances, la conformité des ouvrages en matière de sécurité en cas de crues.
Sous la conduite de l’OFEV et de l’OFEN, la méthodologie développée pour l’Aar sera appliquée aux bassins versants d’autres grands cours d’eau. Les résultats seront ensuite mis à la disposition des autorités compétentes et des exploitants d’installations afin que les mesures en place pour garantir la protection des infrastructures critiques contre des crues extrêmes soient examinées et, le cas échéant, améliorées.
Crues extrêmes : analyse de danger potentiel pour cinq sites
S’agissant des centrales nucléaires, les niveaux d’inondation ci-après se réfèrent aux emplacements des bâtiments de secours à proximité du bâtiment du réacteur.
Centrale nucléaire de Mühleberg (mise hors service en 2019) – Le site restera sec en cas de crue d’une période de retour de 1000 ans. Dans le cas d’un événement d’une période de retour de 10 000 ans, 18 cm d’eau le recouvriront. Avec une crue d’une période de retour de 100 000 ans, le site se trouvera presque 1 m sous l’eau.
Centrale nucléaire de Gösgen – En cas de crue d’une période de retour de 1 000 voire 10 000 ans, la passerelle pour piétons à proximité immédiate, c’est-à-dire l’embâcle de bois flottant à son endroit, pourra se révéler déterminant. Les hauteurs d’inondation du bâtiment de secours s’élèveront alors respectivement à 5 et à 65 cm. Si une crue d’une période de retour de 100 000 ans survient, le site se trouvera environ 1,15 m sous l’eau.
Centrale nucléaire de Beznau – Les embâcles de bois flottant constituent ici aussi un facteur déterminant pouvant contribuer à l’inondation du site. Le site restera sec en cas de crue d’une période de retour de 1 000 ans, mais se trouvera sous 38 cm d’eau à l’endroit du bâtiment de secours en cas de période de retour de 10 000 ans et sous 1,1 m d’eau environ si la période de retour est de 100 000 ans.
Site du PSI à Villigen – L’Aar peut absorber toutes les crues dues aux précipitations sans que le site soit inondé. Une inondation du périmètre ne surviendra que si le pont en béton armé du PSI, long de 200 m, est obstrué par du bois flottant lors d’une crue d’une période de retour de 100 000 ans. Il faut alors s’attendre à une hauteur d’eau de 20 à 25 cm.
Environs de la gare d’Olten – La zone ne sera inondée que si une crue d’une période de retour de 100 000 ans coïncide avec l’obstruction des ponts. L’inondation commencera alors déjà 1,8 km en amont du pont de Trimbach, et le site industriel se trouvera à plus de 2 m sous l’eau par endroits. Les environs de la gare seront également inondés, avec une hauteur d’eau pouvant atteindre 3,1 m.