Monsieur Kenzelmann, pourquoi le poste de directeur de l’IFSN qui était vaquant vous-a-t-il attiré ?
Pour quelqu’un ayant mon parcours et mes intérêts, cela m’a semblé être une chance extrêmement captivante et aussi une suite logique de ma carrière professionnelle. Ces dernières années, j’ai sans arrêt traité des questions de sécurité et de gestion des risques, que ce soit au Laboratoire Spiez ou à l’Office fédéral de l’énergie (OFEN). À l’OFEN, par exemple, la surveillance des barrages, des oléoducs et gazoducs, des Fonds de désaffectation et de gestion des déchets radioactifs relevait de ma compétence. Pour l’OFEN, j’ai représenté la politique suisse en matière d’énergie nucléaire au niveau international. Cela signifie qu’il y avait déjà au préalable des points de contact avec l’IFSN et les questions relatives à l’IFSN.
La Suisse a décidé de sortir de l’énergie nucléaire. Pourquoi cela ne vous a-t-il pas démotivé ?
La surveillance nucléaire représente un défi particulièrement passionnant dans cette situation de sortie progressive de l’énergie nucléaire, que j’ai abordée avec beaucoup de respect et en étant conscient d’une grande responsabilité. Une surveillance des centrales nucléaires sera encore nécessaire de nombreuses années.
Lorsque Leibstadt sera déconnectée du réseau en 2034, ce qui est l’hypothèse du Fonds de désaffectation et de gestion des déchets, je serais proche de ma retraite. Et peut-être que les centrales nucléaires de Gösgen et de Leibstadt fonctionneront aussi plus longtemps que 60 ans, à condition que les investissements nécessaires soient réalisés, ce que nous exigerons pour maintenir et développer la sécurité. En d’autres termes, l’IFSN a devant elle un période de surveillance des centrales nucléaires durant une génération. Nous avons dès lors une grande responsabilité : la sécurité des centrales nucléaires suisses doit être pleinement garantie jusqu’au dernier jour d’exploitation, indépendamment des développements politiques et économiques.
L’IFSN est encore et toujours sous le feu des critiques. Avez-vous le cuir épais ?
L’IFSN a une grande influence dans le domaine de l’énergie nucléaire. En pratique, l’IFSN décide combien de temps une centrale nucléaire peut être exploitée en Suisse. Dans une telle situation, la critique n’est pas étonnante, quel que soit le côté d’où elle provient. Il n’est pas nécessaire d’avoir le cuir dur pour l’accueillir, mais du professionnalisme et de l’ouverture d’esprit. Les évaluations de sécurité de l’IFSN sont complexes. Nous devons présenter les faits d’une manière qui soit compréhensible pour le public et la politique, tout en étant malgré tout techniquement corrects. L’IFSN a un mandat légal clair, que nous remplissons en toute indépendance et autonomie.
Vous êtes maintenant directeur de l’IFSN depuis quatre mois. Comment avez-vous ressenti l’IFSN?
Je connaissais déjà l’IFSN grâce à mon activité précédente, et mes attentes ont été pleinement confirmées. L’IFSN est une institution hautement professionnelle qui compte actuellement 153 employés spécialisés dans un large éventail de domaines. Grâce à leur soutien, j’ai pu pendant ces quatre premiers mois me familiariser avec les thèmes spécialisés de l’IFSN et apprendre à connaître ses processus opérationnels. C’était une période intense pour moi. Mais maintenant, je peux dire que je me sens à l’aise et que je suis au bon endroit.
Comment voyez-vous votre nouveau rôle?
En tant que directeur, il n’est pas de mon ressort d’expliquer aux experts comment ils doivent par exemple effectuer des calculs de conduits. Le directeur doit créer les conditions-cadres qui permettent aux spécialistes d’accomplir leurs tâches techniques.
L’IFSN est-elle outillée pour les défis à venir?
Oui, l’IFSN dispose des compétences nécessaires pour surveiller la sécurité des installations nucléaires suisses, superviser la désaffectation et le démantèlement, et accompagner au niveau de la sécurité technique la recherche d’un site approprié pour un dépôt en couches géologiques profondes. Le maintien de ces compétences auprès de l’autorité de surveillance, mais aussi dans les installations nucléaires, est un défi important. Il est également nécessaire que la thématique nucléaire continue à recevoir l’attention nécessaire dans la recherche et la formation universitaire en Suisse.
Quels thèmes sont pour vous centraux dans un futur proche ?
L’accent principal reste la surveillance de l’exploitation des centrales nucléaires. Le domaine de la désaffectation et du démantèlement va devenir de plus en plus important. Ce travail est déjà en cours à Mühleberg, comme tout le monde le sait. Et l’IFSN est déjà en pourparlers avec Axpo concernant les préparatifs de la désaffectation de la centrale nucléaire de Beznau.
Un autre sujet d’avenir est la protection en cas d’urgence et les craintes de la population qui lui sont liées face aux irradiations radioactives. Un important travail d’explication est nécessaire ici, comme l’a montré le travail de compréhension mené sur l’accident de réacteur à Fukushima. Et l’IFSN est disposée à apporter sa contribution dans ce domaine.
La population suisse peut aussi à l’avenir faire confiance que l’IFSN mène son travail de surveillance non seulement en suivant les règlementations, mais aussi avec ouverture et engagement. Pour cela, nous avons aussi à l’inverse besoin de la confiance de la population, ainsi que du soutien de la politique, de l’administration fédérale et des autorités cantonales.